Prix du Syndicat professionnel de la critique Théâtre, Musique et Danse

Prix du meilleur Spectacle étranger : “Outside” de Kirill
Serebrennikov – © Festival d’Avignon 2019

57ème palmarès – Prix du Syndicat professionnel de la critique Théâtre, Musique et Danse

Depuis 1963, les Prix du Syndicat de la Critique saluent chaque année les spectacles et les personnalités artistiques, que ce soit en théâtre, en musique ou en danse, qui ont marqué la saison. Une saison qui s’est brutalement arrêtée en mars en raison de la covid-19. Le syndicat a décidé de maintenir ses prix pour affirmer son soutien au spectacle vivant, particulièrement impacté par une crise sanitaire dont les répercussions sociales et économiques se font déjà sentir. Portés par un élan solidaire, de très nombreux adhérents ont témoigné cette année par leur vote de l’importance de la création, de l’engagement des artistes pour partager avec le public le désir d’un monde poétique. Riche de toutes ces voix passionnées et singulières, le 57ème palmarès reflète une belle diversité, un art florissant sous toutes ses formes esthétiques.

En attribuant à Clément Hervieu-Léger, le Grand Prix Théâtre, la critique salue le travail d’un artiste délicat, exigeant. L’ensemble du palmarès Théâtre révèle de belles nuances anticipatrices et politiques d’une société féministe non genrée et plus égalitaire. Ainsi, deux metteuses en scène sont primées, l’une pour son adaptation poétique de Maeterlinck (Julie Duclos pour Pelléas et Mélisande) ; l’autre pour sa pièce « footballistiquement » féministe (Pauline Bureau pour Féminines). L’interprétation par André Marcon d’une femme comme les autres lui vaut le prix du Meilleur comédien. Ludmilla Dabo, actrice protéiforme qui joue, danse et chante avec une fougue contagieuse obtient le prix de la Meilleure comédienne. Prime à la jeunesse avec Romain Daroles qui réinvente Phèdre en un seul en scène décapant et Aurore Fremont, la figure d’Électre dans la fresque féministe de Simon Abkarian. Une mention spéciale est attribuée à l’ovniesque et transgenre HEN de Johanny Bert. Enfin, le Prix du meilleur Spectacle étranger revient à l’artiste russe Kirill Serebrennikov, pour son très « queer » Outside à qui le Syndicat affirme son entière solidarité face aux intimidations et autres mesures d’assignation dont il est victime dans son pays.

En décernant le Grand Prix Danse à deux oeuvres au langage chorégraphique très différents, Body and Soul de Crystal Pite et Une Maison de Christian Rizzo, le collège Danse tient ici à saluer l’éclectisme d’un art en pleine mutation. Soucieux du monde qui nous entoure, de la société dans laquelle on vit, les critiques ont tenu cette année à distinguer des artistes très différents, ainsi qu’à créer de nouveaux prix afin de témoigner de ce qu’est la danse aujourd’hui. Akram Khan et Lia Rodrigues se partagent le prix de la personnalité de l’année. Leur engagement, l’un sur le devoir de mémoire, l’autre sur le drame qui se joue dans les Favelas brésiliennes, illustrent combien l’art chorégraphique est sensible aux bruissements du monde. En inaugurant le prix de la Performance avec Phia Ménard, le collège danse tenait à dépasser les préjugés, à lutter contre toutes les formes de discrimination. Il en est de même en consacrant le documentaire Danser sa peine ! de Valérie Muller, qui revient sur l’incroyable création de Soul Kitchen d’Angelin Preljocaj avec des détenues de la prison des Baumettes. Philippe Verrièle remporte le prix pour le meilleur livre avec la série Regardez la danse ! Enfin, en offrant, les prix au jeune chorégraphe taïwanais Po-Cheng Tsai à la belle troupe du Ballet de l’Opéra de Lyon et à la lumineuse Cristiana Morganti respectivement révélation, compagnie et artiste de l’année, le collège danse consacre ici une saison sans frontières et sous le signe de l’excellence.

Le collège musique quant à lui salue l’opéra de Cavalli, Ercole Amante, totalement revisité par le duo Valérie Lesort et Christian Hecq. Définitivement baroque, l’oeuvre révèle toute sa puissance grâce à une mise en scène inventive et fantasmagorique et une direction musicale au cordeau signée Raphaël Pichon. Soucieux d’un équilibre entre art lyrique et musique contemporaine, les critiques ont souhaité aussi mettre en lumière le jeune talent Florentin Ginot, contrebassiste prodige, le concerto pour piano du célèbre compositeur polonais Zygmunt Krauze ainsi que la voix extraordinaire du ténor Benjamin Bernheim et la dextérité audacieuse de Léo Warynski, chef d’orchestre hors pair. Par ailleurs, Le Démon d’Anton Rubinstein remis au goût du jour par l’épatant Dmitry Bertman touche au sublime et remporte le prix du meilleur spectacle créé en province et l’étonnant Jacob Lenz de Wolfgang Rihm qui invite à une descente aux enfers hypnotique, la meilleure coproduction lyrique européenne. Les deux livres récompensés pour la musique portent témoignage, l’un de la foisonnante histoire de l’Opéra de Paris par Mathias Auclair, l’autre du cheminement artistique d’un immense chef d’orchestre sous le régime soviétique

La Présidente, Marie-José Sirach

Faute de pouvoir célébrer tous ensemble ce palmarès à Chaillot-Théâtre national de la danse, retrouvez toute la semaine sur le site du syndicathttps:// associationcritiquetmd.com – les mots des lauréats.